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Redéfinir le marketing mix à l’ère des martechs : mythe ou métamorphose ?

Redéfinir le marketing mix à l’ère des martechs : mythe ou métamorphose ?

Temps de lecture : 8 min.

Né dans les années 60, le concept de marketing mix, fondé sur les désormais célèbres 4P (Produit, Prix, Place, Promotion), s’est imposé comme l’un des piliers fondamentaux de la réflexion marketing. Pendant plusieurs décennies, il a servi de boussole aux entreprises pour structurer leur positionnement stratégique, concevoir et articuler leurs offres, organiser leurs campagnes, etc… Son efficacité reposait sur une certaine stabilité du marché, où le produit et le message occupaient le centre du jeu, et où les marques contrôlaient encore largement la relation client.

Mais les temps ont changé. Avec la montée en puissance du digital, la multiplication des canaux, la généralisation de l’omnicanal, la personnalisation à grande échelle rendue possible par les données, l’automatisation et l’IA, le marketing est devenu beaucoup plus complexe, fluide et interactif. L’expérience client est désormais au cœur des préoccupations, les consommateurs sont plus volatils, plus exigeants, et surtout plus informés. Dans cet environnement en perpétuelle évolution, le marketing mix, conçu pour un monde industriel et pré-digital, semble parfois en décalage.

Dès lors, une question s’impose : ce modèle historique est-il encore pertinent pour guider les décisions marketing dans un univers dominé par les martechs ? Peut-on encore structurer une stratégie en s’appuyant sur ces quatre piliers, ou faut-il les réinterpréter, les dépasser, voire les remplacer ? Cet article propose d’explorer ces interrogations en confrontant le marketing mix à la réalité technologique et opérationnelle du marketing contemporain.


1. Héritage et utilité persistante du marketing mix

Le concept du marketing mix trouve son origine dans le livre fondateur de Jerome McCarthy, Basic Marketing: A Marketing Strategy Planning Approach, publié en 1960 par les éditions Richard D. Irwin. Dans cet ouvrage, McCarthy propose pour la première fois une formalisation claire et synthétique des 4P – Product, Price, Place, Promotion – comme piliers d’une stratégie marketing structurée.

Cette approche, à la fois pédagogique et opérationnelle, a profondément influencé l’enseignement du marketing et les pratiques managériales pendant plusieurs décennies. En insistant sur l’importance de la cohérence entre ces quatre variables contrôlables, McCarthy a offert aux marketeurs un cadre simple mais robuste pour concevoir, mettre en œuvre et ajuster leurs plans d’action.

Bien que le contexte économique et technologique ait depuis considérablement évolué, cette grille de lecture conserve une force structurante, à condition d’être réinterprétée à la lumière des enjeux contemporains du marketing digital et de l’expérience client.

Basic Marketing
Basic Marketing: A Marketing Strategy Planning Approach. 19ème édition.

Les 4P (Product, Price, Place, Promotion) restent aujourd’hui un excellent cadre d’analyse, notamment pour structurer une offre et aligner les décisions stratégiques autour d’un produit ou service. Ce modèle conserve une valeur pédagogique forte : il permet de poser les bonnes questions, de façon simple, cohérente et transversale.

Certaines entreprises, notamment dans les secteurs traditionnels ou B2B, continuent à s’appuyer sur ce cadre pour planifier leurs campagnes. Il sert de base commune à tous les acteurs internes (marketing, produit, commerce) et facilite la cohésion des actions. Le marketing mix, bien que classique, n’est donc pas obsolète : il reste un socle utile pour initier une réflexion marketing.


2. Comment les martechs bousculent le cadre

Les plateformes technologiques – qu’il s’agisse de CRM, de CDP, de DMP, de CMS ou encore d’outils avancés d’analytics – ont profondément transformé la manière de faire du marketing. Là où le marketing mix traditionnel proposait une structure stable autour des 4P à mettre en œuvre dans un plan cohérent, les martechs ont introduit une logique radicalement différente : celle de l’agilité, de l’itération et de la personnalisation à grande échelle.

Aujourd’hui, le marketing ne se contente plus d’être « planifié » sur un cycle annuel ou semestriel ; il est piloté en continu. Chaque levier peut être ajusté en temps réel selon les données issues du comportement des clients : les messages publicitaires sont testés par A/B testing sur des segments de plus en plus fins, les tunnels de conversion sont optimisés au fil de l’eau, les offres évoluent selon la saisonnalité, la localisation, voire les préférences implicites des utilisateurs.

La conséquence directe, c’est que le marketing devient réactif et dynamique, voire prédictif. Les décisions ne s’appuient plus uniquement sur des études de marché ou des insights issus du passé, mais sur des données en temps réel, captées par des outils martech interconnectés.

Par exemple :

  • Le produit peut être optimisé à la demande, en ligne, ou ajusté selon les retours utilisateurs via des boucles de feedback automatisées.
  • Le prix n’est plus fixe : il devient variable, avec des stratégies de pricing dynamique qui tiennent compte de l’offre et de l’évolution de la demande des clients.
  • La place, au sens de distribution, s’étend au numérique, avec des logiques omnicanales pilotées par des plateformes e-commerce ou D2C (direct-to-consumer).
  • La promotion devient automatisée, scénarisée, contextualisée, via des campagnes de marketing automation, des notifications intelligentes ou des campagnes multi-touch synchronisées.

Cette transformation introduit une rupture avec la linéarité du mix initial, qui postulait une définition préalable de chaque composante avant le déploiement. Avec les martechs, les quatre P peuvent évoluer indépendamment les uns des autres, en fonction des performances, des opportunités du marché ou des comportements observés. Le mix devient alors un système vivant et auto-adaptatif, nourri par la donnée et activé par la technologie.

Au final, les martechs ne se contentent pas de renforcer le marketing mix traditionnel : ils en redéfinissent les contours, en injectant de la granularité, de la temporalité et de l’intelligence. Le marketing devient une discipline d’orchestration algorithmique, où chaque variable est susceptible d’évoluer à tout moment, pour répondre aux attentes d’un consommateur toujours plus volatil et connecté.


3. Vers un nouveau mix ?

Dans ce contexte, faut-il abandonner les 4P ?

Pas nécessairement. Mais il semble plus juste de les réinterpréter. On parle aujourd’hui de 7P (ajout des dimensions People, Process, Physical evidence), ou de modèles plus orientés client comme les 4C (Customer, Cost, Convenience, Communication).

Ce que les martechs permettent, c’est de créer un marketing mix augmenté :

  • Piloté par la donnée (data-driven),
  • Rendu dynamique et adaptatif grâce à l’IA,
  • Intégré dans des logiques de parcours client personnalisés.

Il ne s’agit donc plus d’une grille figée, mais d’un système vivant, ajusté en continu. Dans le e-commerce par exemple, un CDP peut automatiquement ajuster l’offre, les prix, les messages et les canaux selon le profil d’un visiteur. Chaque client vit ainsi sa propre version du mix marketing.


En conclusion

Le marketing mix reste un outil pertinente à condition de l’articuler intelligemment avec les nouveaux leviers offerts par les technologies marketing. Il ne constitue plus un cadre figé et universel, mais plutôt un socle de départ, à enrichir selon les spécificités du secteur, la maturité digitale de l’entreprise et les attentes des clients. Dans un environnement où la donnée est devenue la matière première du marketing, la stratégie ne peut plus s’en tenir à une logique descendante. Elle doit s’adapter en temps réel, se personnaliser à l’échelle individuelle, s’intégrer dans des parcours fluides et hybrides.

En ce sens, le marketing mix ne disparaît pas : il évolue, se déforme, s’augmente. Il passe d’une approche centrée sur le produit à une approche centrée sur le client. Demain, les P traditionnels pourraient laisser place à des dimensions plus dynamiques : personnalisation, pertinence, permission, participation. Un mix centré non plus sur ce que l’entreprise vend, mais sur ce que le client vit. La notion même de “Place” pourrait s’effacer au profit d’une logique de présence continue, contextuelle et intelligente. Le “Prix” ne serait plus fixe, mais modulé en fonction de la valeur perçue, du comportement, ou du moment.

Le nouveau mix sera peut-être fluide, piloté par des IA, optimisé en temps réel selon des micro-segments évolutifs. Il s’incarnera dans des expériences, des relations, des données activées… Et pourtant, il gardera l’esprit initial des 4P : un cadre pour structurer la pensée marketing. Simplement, ce cadre devra désormais épouser la complexité du monde digital, et refléter une vérité immuable : le client n’achète plus un produit, il achète maintenant une expérience, une promesse tenue, et une valeur durable !

Et vous qu’en pensez-vous ?
N’hésitez pas à laisser vos commentaires plus bas !


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À propos de l'auteur

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